Vanité n'est pas vérité

 

Quand dans l'Evangile de Jean (18.38) Pilate répond à Jésus qui vient de prononcer le mot de "vérité" : «Qu'est-ce que la vérité ?» on peut entendre cette parole comme une exclamation désabusé "Comment savoir ce qu'est la vérité !" ou comme une vraie question, c'est à dire une question qui attend une réponse. Le texte grec ne comportant aucune ponctuation il n'y a que la forme interrogative pour nous renseigner. Mais même là, on peut avoir une fausse question : "Et tu saurais ce qu'est la vérité ?", question qui n'attend pas de réponse, question qui croit avoir déjà la réponse négative : "On ne peut pas savoir ce qu'est la vérité !". C'est cette idée d'un Pilate désabusé qui est en général acceptée.

Mais si, sa question : «Qu'est-ce que la vérité ?» était une vraie question ? L'Evangile ne nous donnant pas de réponse de la part de Jésus on pourrait supposer le même silence que celui qui est rapporté par les autres évangiles dans la rencontre avec Pilate :

 

«Jésus ne lui répondit rien.» (Luc 23.9)

«Et Jésus ne fit plus aucune réponse, ce qui étonna Pilate» (Marc 15.5)

«Et Jésus ne lui donna de réponse sur aucun point, ce qui étonna beaucoup le gouverneur.» (Matthieu 27.14)

 

Si donc nous supposons une vraie question de la part de Pilate, une question qui attend une réponse –supposant ainsi un homme un peu différent de celui qu'on présente en général- il y eut à la suite de cette question un silence, aucun mot de Jésus. Et pourtant, Jésus donnait la réponse, par sa présence. «Qu'est-ce que la vérité ?» «moi !». Non pas : «la vérité c'est ce que je dis», mais plus précisément : «Je suis la Vérité».

 

Et ma réflexion progresse. Il ne s'agit plus de découvrir la démonstration parfaite –celle qui "exprime la Vérité"- mais de rencontrer une personne :  Jésus.

Mais faudra t'il abandonner le chemin de la réflexion ? Adopter une démarche purement "émotionnelle" ?

Non. Par contre le chemin ne pourra qu'être : "Lui", c'est à dire l'endroit où l'on marche, où l'on avance dans une direction. Il est "le chemin" dans la mesure ou je progresse sur ce qu'il a dit, où le sol sur lequel je m'appuie est "Lui" –son exemple, son enseignement-.

La fausse question «Qu'est-ce que la vérité ?" qui croit avoir déjà la réponse négative est une vanité, d'une part parce qu'elle tue toute recherche, qu'elle refuse toute découverte, d'autre part parce que celui qui l'exprime se croit lui-même la vérité –puisqu'il dit savoir que la Vérité est impossible à connaître-. Et dans un sens, c'est vrai qu'on ne peut pas "connaître la vérité" dans l'acception actuelle du mot (en posséder un modèle intellectuel), mais dans l'idée de "naissance" ou même de "commerce charnel". Car c'est bien tout l'être qui va "épouser la Vérité".