Les gravures d'illustration biblique

Une vision simple qui en dit long

 

Dès le haut moyen âge des décorations peintes apparurent dans les manuscrits de la Bible. Personnages, animaux, végétaux et objets célestes accompagnaient le texte. Ces illustrations n’étaient pas systématiques, la majorité des évangéliaires ou des lectionnaires ne contenaient que quelques lettres ornées.

Ainsi, aux époques romane et gothique, de superbes Bibles manuscrites réservées aux hauts personnages de la société civile et religieuse furent couvertes d’images peintes.

Plus tard, après l'invention de l'imprimerie, au milieu du xve siècle, on vit apparaître dans les premières bibles imprimées des "vignettes" gravées sur bois et illustrant quelques chapitres. Mais on peut dire que c'est au début du xvie siècle que se développe la gravure d'illustration biblique. Il ne s'agit plus d'enluminures, de scènes peintes, comme dans les bibles médiévales, mais de gravures reproduites directement avec le texte. Le développement se fait rapidement dans le monde catholique puis dans le monde luthérien germanique. On voit même fleurir autour de 1550 de nombreux livres d'images, appelés "Figures de la Bible" constitués de gravures reprenant des moments de l'histoire biblique et accompagnés non pas du texte lui-même, mais de quelques vers commentant les images et rappelant les événements. Ces volumes contiennent des dizaines, voire des centaines de gravures qui étaient achetés non pas par des illettrés (leur prix les en aurait dissuadé), mais par des érudits ou des bourgeois.

 

A quoi sert la gravure d'illustration ?

 

On voit parfois ces illustrations comme des parures anodines destinées à "égayer" le texte en répétant les récits contenus par ailleurs. Servent-elles à imaginer la scène ? Les lecteurs seraient-ils illettrés ? Il est possible qu'après une lecture collective, les auditeurs puissent trouver dans l'illustration un rappel de ce qu'ils ont entendu. Mais on peut aller plus loin en observant que dans de nombreux cas, l'image porte la mémoire non seulement des événements contenus dans le texte biblique, mais aussi de commentaires sur ces événements. On trouve, en quelque sorte dans l'image la mémoire d'idées contenues dans le commentaire du texte, commentaire fait par un prêtre ou un pasteur, fait dans le cadre d'un enseignement religieux. Ces idées, c'est-à-dire le prolongement du texte dans des orientations parénétiques particulières, les débats dogmatiques, les appréciations religieuses partisanes, rien de tout cela n'est dans le texte. Le texte est fixe, mais les commentaires, débats, appréciations se retrouvent dans l'image, comme une sorte de glose comme celle qui encadre un texte, du même ordre que les voyelles hébraïques ajoutées au texte intangible. L'artiste a donc été partenaire du commentaire, au service d'idées ou d'une pensée qui circule dans son milieu. D’autrefois aussi, l'artiste a reçu une commande précise et a donc été un exécutant plus ou moins servile. En tout cas, par rapport au texte biblique, l'artiste n'est pas plus "neutre" que le prédicateur ne l'est, même si son but n’est pas de prêcher.

 

La mémoire et l'image.

 

Dans les Bibles manuscrites ou les incunables, les images avaient une fonction d'aide mémoire de chaque chapitre. Elles condensaient parfois le contenu sous une forme visuelle. Mais les images des Bibles du xvie siècle ne font plus vraiment partie d'un procédé mnémonique destiné à jalonner le récit biblique. Dans la plupart des cas, le nombre de gravures serait insuffisant pour assumer ce rôle puisque des livres entiers de la Bible ne reçoivent aucune, ou très peu d'illustrations.

Par ailleurs, dans les livres de "Figures de la Bible" ou le texte est remplacé par quelques vers placés sous les images, on sent bien que la gravure illustre un texte que le lecteur a en mémoire, les quelques vers ne donnant que des indications très sommaires. Ainsi, en regardant l'image, le lecteur trouve tous les repères pour reconstituer mentalement le passage biblique objet de l'illustration.

Alors donc que la lecture de la Bible illustrée ouvrait à une mise en image mentale, les gravures des livres de "Figures" ramènent au texte. D'un côté on "lit" mentalement une image à partir d'un texte, de l'autre on re-lit mentalement un texte à partir d'une image.

On comprend donc que les éléments de l'image qui ne renvoient pas au texte (détails ajoutés ou "décalés", symboles divers...) peuvent renvoyer à une appréciation sur le texte, un commentaire, une glose.

Il est donc indispensable d'étudier sérieusement ces gravures.

 

Le sens d'une étude de la gravure d'illustration.

 

Une étude de ces images conduit à la lecture du contenu proprement biblique avec, en plus, une glose ou des indices symboliques et encore en plus, une lecture esthétique liée à la place du dessin dans l'histoire de l'art.

Veux t on voir dans ces suites d'illustrations, ces programmes, de simples recueils d'histoires, on se surprend à percevoir un cheminement particulier, une approche originale, un "angle de vue" spécifique. Car si les symboles abondent et que les détails "codés" parsèment les images, il y a néanmoins, bien visible, la "patte" de l'artiste, sa culture et ses influences personnelles. Et, comme nous l'avons dit, traversant tout cela on trouve aussi un discours particulier qui circule, fait d''une sensibilité théologique et de la culture d'un milieu.